Une réintégration plus rapide sur le marché du travail
La collaboration interinstitutionnelle (CII) est un instrument censé améliorer l’efficacité et réduire les coûts de l’Etat social, mais aussi permettre une réinsertion plus rapide des ayants droit sur le marché du travail. Elle présente toutefois certains défauts.Telle est la conclusion d’une étude soutenue par le Fonds national suisse.
L’Etat social a pour mission de préserver de la précarité et de la misère les personnes touchées par le chômage, la pauvreté, la maladie et le handicap. Mais aujourd’hui, les systèmes de sécurité sociale forment fréquemment un labyrinthe impénétrable. L’augmentation du nombre de cas a également entraîné un accroissement des dépenses de l’Etat social. D’où la conclusion qui s’est imposée: ce même Etat social doit devenir plus efficace et moins coûteux.
Il y a dix ans environ, l’administration et le politique ont lancé la collaboration interinstitutionnelle (CII). Cet instrument est censé améliorer la coopération entre l’assurance-chômage (AC), l’assurance-invalidité (AI) et l’aide sociale dans tous les cantons. La CII devrait permettre aux personnes sans-emploi «présentant une problématique complexe» d’être réintégrées plus rapidement sur le marché du travail. Dans le cas de ce groupe relativement restreint de sans-emplois, il existe en effet un risque important d’«effet carrousel», car ces personnes sont souvent renvoyées d’un organisme d’aide à l’autre.
La CII ne prend pas le client comme point de départ
Avec son équipe, Eva Nadai, sociologue à la Haute Ecole spécialisée du Nord-Ouest de la Suisse, a mené deux études de cas ethnographiques portant sur deux projets CII dans les cantons de Bâle-Ville et d’Argovie. Pendant plusieurs mois, les chercheurs ont accompagnées 14 clientes et clients. Ils sont également examiné les institutions impliquées, en procédant à des interviews et en utilisant l’observation participante. Leur conclusion: la CII est un instrument qui présente des déficiences.
Contrairement à ce que prévoit la CII, l’Etat social ne part toujours pas des cas individuels, mais assigne ces derniers aux différentes institutions (AC, AI, aide sociale) en fonction de compétences formelles. Motif: les réglementations juridiques qui seraient nécessaires n’ont pas été modifiées. Comme la CII ne prévoit pas de nouvelles offres d’intégration, ses analyses différenciées ne sont suivies que de mesures de soutien standard (cours de qualification, programmes d’occupation).
Par ailleurs, les institutions responsables continuent d’être mesurées à l’aune de leurs réussites en matière d’intégration. Si une institution parvient à placer un client, c’est elle qui engrange le succès, si elle n’y arrive pas, elle transmet le cas plus loin. Autre insuffisance relevée par les chercheurs: la CII n’associe pas d’autres institutions d’aide et les mesures de soutien sont trop limitées dans le temps. Les clients CII ne sont intégrés ni plus rapidement, ni plus souvent sur le marché du travail que les autres sans-emplois. Ce résultat d’analyse corrobore une évaluation menée dans 16 cantons en 2009, sur mandat de l’Office fédéral des assurances sociales.
Solution possible: un pool de financement unique
Les chercheurs recommandent que les mesures d’encouragement ne soient pas financées par les différentes institutions prises isolément, mais par un pool commun. Par ailleurs, chaque cas devrait être suivi en continu par la même personne. Cela permettrait d’endiguer les intérêts particuliers de chaque organisme et d’éviter les nombreux changements de personnel. Enfin, les chercheurs recommandent la création d’un «guichet social» unique pour l’ensemble des systèmes de sécurité sociale. L’une des possibilités serait de créer une assurance sociale qui gère l’ensemble des cas, indépendamment des situations personnelles.