Médicaments – des règles claires au lieu de réformes à répétition
La Confédération bouleverse pour la cinquième fois en l'espace de cinq ans le système d'autorisation et de fixation des prix des médicaments. L'Entente Système de santé libé-ral propose dans un document de fond des conditions-cadres stables pour un approvi-sionnement en médicaments efficace, adéquat et économique.
La Confédération a modifié ces dernières années par diverses interventions ponctuelles les règles du jeu dans le secteur de l'autorisation et de la fixation des prix des médicaments et elle annonce d'ores et déjà de nouvelles mesures. Des règles du jeu qui changent chaque année sont de mauvaises règles, parce qu'elles insécurisent l'industrie, le commerce, les pharma-ciens, les hôpitaux, les médecins et les patients. La tâche de l'Etat est en fait juste inverse: les pouvoirs publics sont censés veiller à la stabilité et à la sécurité du droit et de la planification.
Il s'est également avéré ces dernières années que l'égalitarisme pratiqué par l'Etat ne répond pas aux exigences d'un marché extrêmement hétérogène avec des entreprises qui importent des médicaments produits à l'étranger, des entreprises suisses qui produisent surtout pour l'exportation et des entreprises suisses (des PME, notamment) qui développent et produisent principalement, voire exclusivement pour le marché suisse. Il ne s'agit cependant pas seulement de questions touchant à la fixation des prix. Cette ré-flexion vise avant tout l'accès rapide et non bureaucratique aux médicaments les plus récents, les plus efficaces et les plus supportables pour les patients, la rétribution équitable des authen-tiques innovations, le renforcement de la sécurité des patients et de l'approvisionnement, l'assurance de prix supportables, la durabilité, la transparence et enfin la sauvegarde d'une industrie pharmaceutique importante pour l'économie nationale. Dans son document de fond "Médicaments", l'Entente Système de santé libéral résume les principaux point d'une réforme conceptuelle.
1. Moins de gaspillage de médicaments
En réponse au postulat "Amherd – Halte au gaspillage de médicaments!", le Conseil fédéral a relevé le 12 septembre 2014 que la Suisse produisait chaque année des déchets de médica-ments pour une valeur de 500 millions de francs. C'est dire que la Confédération doit présenter rapidement un ensemble de solutions qui, à côté des économies directes possibles, permet aussi d'éviter les coûts subséquents sous la forme de traitements médicaux supplémentaires rendus nécessaires par la non-prise de médicaments. La sécurité des patients joue un rôle central à ce propos.
2. Autorisation des médicaments
a) Autorisation pour le marché suisse
Il n'est pas nécessaire de soumettre à un examen détaillé des produits qui sont déjà com-mercialisés dans des pays ayant un système d'autorisation comparable au nôtre, car les pays industrialisés ont en principe la même conception de la sécurité des patients.
Il faut mettre en place un benchmarking transparent concernant les durées d'autorisation dans d'autres pays et faire en sorte que la Suisse soit plus rapide dans ce domaine. Ce progrès est possible sans baisse de la qualité.
b) Autorisation à charge de l'assurance de base
Par analogie au système d'autorisation de méthodes médicales, il faut introduire également pour les médicaments la procédure de contestation, le droit de contestation appartenant à l'Office fédéral de la santé publique (OFESP) et à la Commission fédérale des médica-ments (CFM). Ainsi, seules les demandes contestées subiraient un examen complet. L'OFSP envoie périodiquement toutes les demandes aux membres de la CFM par voie de circulaire. Uniquement les demandes contestées par les membres de la commission dans un certain délai sont mises à l'ordre du jour de la séance suivante. Au début de la séance, la commission décide à la simple majorité des membres présents quelles demandes seront examinées. Toutes les demandes qui ne passent pas par cette voie auprès de la commis-sion sont directement traitées par l'OFSP.
Le traitement des demandes d'autorisation restantes doit être accéléré par des mesures adéquates: tri préalable / entente entre les différentes commissions, procédures accélé-rées, décisions par voie de circulaire, pool d'experts.
c) Application des innovations lors des traitements stationnaires dans le système des forfaits par cas
L'application rigide des forfaits par cas pratiquée actuellement retarde l'entrée d'innovations dans le système.
Il existe deux possibilités de correction à ce niveau:
- admettre provisoirement des médicaments novateurs / thérapies novatrices en fixant un délai et un nouveau tarif provisoire, respectivement un supplément sur le tarif existant, et lancement parallèle et immédiat d'une évaluation.
- créer des rétributions supplémentaires selon le modèle allemand, mais uniquement pour des innovations attestées et authentiques (des critères justiciables doivent être développés à ce propos).
3. Prix départ usine (PDU)
Il faut, à chaque fois que des médicaments soumis à ordonnance et ayant les mêmes effets sont en concurrence, laisser aux fabricants le droit de fixer les prix. En générant des incita-tions intéressantes pour le commerce, on garantit que la prescription / utilisation des médi-caments offrant le meilleur rapport qualité/prix vaille la peine. De plus, les fournisseurs de prestations médicales doivent être rappelés à leur obligation de procéder à chaque pres-cription ou remise de médicaments à une vérification concrète selon les critères coût/utilité fixés dans la LAMal.
Seuls des médicaments sans concurrence et ayant les mêmes effets justifient une règle-mentation étatique. Il faut cependant prendre en compte la totalité des coûts et ne pas sim-plement se contenter d'une comparaison des prix. La question décisive est de savoir si, avec l'engagement d'un nouveau médicament, toute la thérapie est plus chère, moins chère ou coûte le même prix. Les économies hors LAMal doivent également être intégrées dans ce calcul (prolongation de la capacité de travailler, report/exclusion des besoins de soins, invalidisation, etc.). La plus-value novatrice de la nouvelle préparation doit être prise en compte. Il faut à cet effet formuler des critères fiables décrivant le degré de force novatrice d'un nouveau médicament.
Dans l'idée de développer une alternative équivalente, il faudrait examiner un système de libre formation des prix avec une obligation de rembourser sur la base d'une évaluation ul-térieure de l'efficacité et du risque selon les expériences recueillies. Pour simplifier les choses, on pourrait procéder à l'évaluation ultérieure de l'efficacité et du risque dans le cadre de la procédure de contestation. La pression d'une obligation de rembourser après coup influencerait notablement le comportement des fabricants dans la fixation des prix. On sait aussi que dans des secteurs importants du marché des médicaments, par exemple en oncologie, l'efficacité réelle d'une préparation ne se révèle qu'après une certaine durée d'utilisation. Dans un système de libre formation des prix, l'esprit de partenariat des diffé-rents acteurs (assureurs, industrie, grossistes, pharmaciens) est indispensable. Il faudra néanmoins prévoir des institutions capables de régler rapidement et avec compétence les éventuelles divergences d'opinions entre les acteurs.
Un prix départ usine minimal doit par principe être fixé pour tous les produits. Des prix infé-rieurs à cette limite ne couvrent les coûts ni des fabricants, ni du commerce.
Dans l'intérêt du libre choix du personnel médical et des patients, le système à montants fixes est refusé.
4. Indemnités de remise (par pour les coûts de distribution)
L'indemnisation de la remise de médicaments dans le système actuel ne produit pas suffisam-ment d'incitations générant des plus-values en faveur de la desserte médicale. A côté des sup-pléments fixes et calculés en pour-cent, une partie importante des indemnisations doivent être découplées du prix des médicaments dans le but de provoquer des incitations utiles. En outre, les catégories de prix actuelles ne correspondent plus à la réalité, notamment en ce qui con-cerne les médicaments chers dont les prix se sont développés. Il faut adapter aussi bien les catégories que les parts fixes et variables des catégories, faute de quoi la disponibilité n'est plus garantie.
La part pour les coûts de distribution doit donc être structurée en plusieurs échelons:
- forfait fixe, donc indépendant du prix, pour garantir une logistique et un maniement qualita-tivement impeccables ainsi que la disponibilité des médicaments
- part équitable pour les coûts de distribution calculée sur la base du prix pour couvrir exclu-sivement les frais de capital (intérêts, ducroire, risque du stockage)
- indemnisation de prestations spécifiques dans le canal de distribution au profit des patients et assureurs (développement de l'actuelle RBP) pour l'instruction, la compliance, le disease management, etc. afin de générer des incitations utiles (indemnisation uniquement si une prestation est effectivement produite)
- indemnisation augmentée de la substitution d'un médicament moins cher et de même effi-cacité à une préparation prescrite
- incitations en faveur de la tenue d'un assortiment complet afin que les exploitations offrant un assortiment complet soient mises sur pied d'égalité par rapport aux "profiteurs" qui ne proposent qu'un assortiment incomplet.
En réduisant au maximum les prix, on n'encourage pas vraiment la prescription et la remise de génériques, car les pharmaciens et médecins sont pour une bonne part rémunérés moyennant un pourcentage sur le prix départ usine. L'indemnisation des points de remise doit donc être découplée autant que possible du prix départ usine. Il faut générer des incitations positives en faveur d'une conception efficace des processus et déroulements.
5. Cas spéciaux
L'indemnisation par les assureurs de médicaments non autorisés dans des cas isolés n'est pas réglée de manière satisfaisante dans l'art. 71 a/b de l'Ordonnance sur l'assurance-maladie. Dans ce domaine également, il s'agit de créer la transparence et de veiller à la sécurité du droit en faveur des patientes et des patients. Le remboursement du médicament au patient et le montant du remboursement ne doit pas dépendre du domicile du patient ou son assureur. Des critères uniformes doivent être appliqués à ce niveau dans l'intérêt des patients. Ces critères existent déjà, mais ils ne sont appliqués que partiellement.
Le document de fond propose également des réponses aux questions concernant les maladies rares (Orphan Drugs) et la médecine personnalisée.
09.03.2015