Les quantités créent les coûts
La croissance des dépenses de l’assurance obligatoire des soins (AOS) est d’abord la conséquence d’une augmentation du volume des prestations, en particulier dans le domaine de l’ambulatoire hospitalier et de la part des médecins spécialistes.
La croissance du secteur ambulatoire des hôpitaux ne peut pas être expliquée par un transfert du secteur stationnaire. Dans le domaine des hôpitaux, on observe par ailleurs de notables différences d’efficience entre les cantons. Ce sont les résultats auxquels parvient une étude commandée par santésuisse et réalisée par la Haute-école zurichoise des sciences appliquées de Winterthour. Les auteurs analysent pour la première fois l’évolution des coûts de 2004 à 2010 et les différences entre les cantons sous l’angle des prix et des volumes.
L’offre crée la demande
La pression des assureurs pour négocier les tarifs des prestations au plus juste est essentielle au contrôle de la croissance des dépenses de santé. Mais la maîtrise des tarifs ne suffit pas à endiguer la progression des coûts. En effet, l’augmentation du nombre de spécialistes dans un canton et la croissance du secteur ambulatoire hospitalier suscitent à la longue une augmentation de la demande en prestations médicales. L’étude de la Haute-école zurichoise confirme ce qu’affirment depuis plusieurs années les économistes : dans le domaine de la santé, l’offre en prestations de soins crée la demande. « Pour que l’allocation des ressources dans le domaine de la santé soit optimale, il faut améliorer l’information et les incitatifs. Faute de quoi, des mesures inutiles, voire néfastes, risquent d’être prescrites ou exigées par les patients », affirme Christoph Meier, directeur de santésuisse. « La population ne doit pas payer plus pour l’assurance de base obligatoire, sans plus-value réelle en terme de santé ».
Différences marquées entre cantons
L’étude montre que les différences entre cantons, tant au niveau des prix (tarifs) que de la quantité des prestations, sont d’abord structurelles. Toutes prestations confondues, les différences de coûts s’expliquent essentiellement par les quantités prescrites. « C’est la raison pour laquelle nous considérons injuste le principe de grandes régions de primes », ajoute Christoph Meier. « Les assurés des régions périphériques et rurales, où les dépenses de santé sont moindres, devraient donc aussi financer l’augmentation plus rapide des volumes et les prix plus élevés des zones citadines ? Cela constituerait un signal très négatif ».
Incitations à développer
santésuisse est donc favorable à étudier la question de tarifs différenciés, plus élevés en région rurale ou sous-dotée en médecins et plus bas là où la densité médicale est très forte. L’étude montre également que la productivité des hôpitaux varie fortement d’un canton à l’autre. Il faudra encore analyser si l’introduction au 1er janvier 2012 du financement hospitalier au moyen de forfaits par cas confirme ces différences. L’étude ne permet par ailleurs pas de démontrer que l’ambulatoire hospitalier se substitue au secteur stationnaire ou à la médecine de ville. Dans le domaine des médicaments, la baisse des prix a eu un effet clair sur les dépenses globales mais elle est totalement annulée par l’augmentation des quantités prescrites.
Objectifs de l’étude en bref
Le Pr Reto Schleiniger, de la Haute-école zurichoise des sciences appliquées de Winterthour, a analysé les coûts à la charge de l’assurance obligatoire des soins en terme de prix des prestations et de quantités prescrites de 2004 à 2010. Dans le domaine de la santé, les prix sont fixés dans les tarifs négociés dans les cantons avec les fournisseurs de prestations, comme la valeur du point TARMED pour les médecins en pratique ambulatoire ou le coût facturé pour une journée d’hospitalisation (avant 2012). Les coûts globaux reflètent le prix des prestations multiplié par la quantité fournie. L’auteur a ensuite analysé statistiquement l’influence sur les coûts de plusieurs facteurs : spécificités démographiques (âge et sexe des populations traitées, population étrangère), densité médicale (généralistes et spécialistes), dispensation médicale et densité de pharmacies, facteurs culturels (langue latine). Cette analyse permet de déterminer les variables influençant les coûts de la santé dans les cantons.