Les proches soignants ont besoins de plus de relève
les soins des membres de leur famille qu’ils ne le souhaiteraient. Et ils peinent à se faire remplacer s’ils sont malades ou ont simplement besoin d’une pause. C’est ce qu’a montré l’étude de recherche AgeCare-SuisseLatine réalisée sur mandat de l’Association suisse des services d’aide et de soins à domicile.
Grâce à cette étude et à celle publiée pour la Suisse alémanique (SwissAgeCare-2010) en automne dernier, il existe maintenant des données pertinentes sur la situation des proches soignants pour toute la Suisse. Principale conclusion: il y a un grand besoin d’un soutien ciblé et de relève des proches dans tout le pays.
La famille, les amis et les voisins jouent un rôle central dans la prise en charge des personnes nécessitant des soins à domicile. Mais les conditions cadre de cette prise en charge sont peu connues. L’Association suisse des services d’aide et de soins à domicile (ASSASD) a donc commandé une étude sur le sujet. Les résultats de l’étude pour la Suisse alémanique (SwissAgeCare- 2010) ont été publiés en septembre dernier. Les résultats pour la Suisse romande et le Tessin (AgeCare-SuisseLatine) sont maintenant disponibles.
L’équipe de recherche des Universités de Berne (Prof. Pasqualina Perrig-Chiello, Dr Sara Hutchison) et de Zurich (Prof. François Höpflinger) s’est penchée sur les motifs qui poussent les proches à s’occuper d’une personne nécessitant des soins, sur les problèmes auxquels ils sont confrontés, leurs ressources et leurs souhaits, ainsi que ceux des spécialistes de l’Aide et des soins à domicile. Les scientifiques ont par ailleurs comparé les résultats entre les régions linguistiques.
Désirs et critiques
Première chose : Les proches soignants se disent en grande majorité très satisfaits des prestations de l’Aide et des soins à domicile. Pour eux, il est important que l’Aide et les soins à domicile soient disponibles quand ils en ont besoin et qu’ils traitent les personnes nécessitant des soins avec dignité et respect. Les critiques qui reviennent le plus souvent vont au changement fréquent de personnel et au manque de temps.
Les personnes qui ont besoin de soins à domicile ont en moyenne 83 ans et 60 pour cent d’entre elles sont des femmes. Environ la moitié des personnes prises en charge sont fortement dépendantes. L’Aide et les soins à domicile interviennent avant tout pour les soins corporels et les traitements.
Une affaire de femmes
La prise en charge des personnes nécessitant des soins est encore davantage une affaire de femmes en Suisse latine qu’en Suisse alémanique. Seul un quart des soignants sont des hommes en Suisse romande et même un sixième au Tessin – en Suisse alémanique, ils étaient un tiers. La principale motivation est l’amour et l’affection que les proches portent à la personne, mais le manque d’alternatives et les coûts financiers jouent également un rôle.
Les proches soignants investissent, selon leurs indications, entre 99 heures (partenaires, hommes et femmes) et 61 heures (fils et filles) par semaine dans l’encadrement. C’est bien davantage qu’en Suisse alémanique (partenaires, hommes et femmes : 60 heures, fils et filles : 27 heures). Cette importante différence pourrait s’expliquer, selon l’étude, par la part importante de personnes atteintes de démence soignées à domicile en Suisse latine. Le fait que davantage de proches soignants en Suisse romande et au Tessin vivent dans le même ménage que les personnes soignées qu’en Suisse alémanique pourrait aussi être un facteur d’explication. Mais toutes les régions présentent une constante : les proches investissent bien plus de temps dans les soins qu’ils ne le souhaiteraient.
Besoin urgent en possibilités de relève
Cette situation de soin intensive se reflète sur la santé des proches. Chez les filles et les fils en particulier, la santé subjective est nettement moins bonne que la population moyenne. Les proches soignants vont aussi plus souvent chez le médecin et consomment davantage de médicaments. Selon les estimations des collaborateurs de l’Aide et des soins à domicile, environ deux tiers des partenaires soignant(e)s ont urgemment besoin d’une pause. Mais beaucoup n’ont pas la possibilité de se faire remplacer.
Près de la moitié des partenaires soignant(e)s disent qu’ils auraient des difficultés à trouver quelqu’un pour prendre le relais même dans les situations d’urgence. Il y a donc un besoin urgent de possibilités de relève comme un encadrement de jour, des soins de transition, des lits à disposition pour la nuit ou les vacances.
L’étude aborde également la question du développement du domaine de l’aide et des soins à domicile. Les besoins en soins stationnaires et ambulatoires devraient augmenter ces prochaines années en raison du vieillissement démographique. Dans le même temps, les progrès médicotechniques, les coûts hospitaliers croissants et la plus grande nécessité d’économiser devraient renforcer la tendance au transfert de l’hôpital au domaine ambulatoire. Parallèlement, la demande en possibilités de remplacement pour les proches soignants va encore augmenter, tout comme le besoin d’information et de coordination. L’Aide et les soins à domicile jouent un rôle central dans l’équilibre complexe entre les soins et le bien-être des personnes nécessitant des soins et de leurs proches.
Champs d’action pour l’Aide et les soins à domicile
Pour faire face à ces défis, les services d’Aide et de soins à domicile se voient proposer plusieurs champs d’action. Ils pourraient ainsi flexibiliser leur offre et l’étendre à la gestion de cas, c’est-àdire assurer une plus grande information, médiation et coordination entre tous les participants. Ils pourraient aussi proposer des logements incluant des services de soins ainsi que des possibilités flexibles de relève.
Une situation de soins optimale requiert un savoir spécialisé professionnel. C’est la raison pour laquelle on demande aux collaboratrices/-teurs de l’Aide et des soins à domicile d’avoir suivi, en plus d’une formation initiale solide dans le domaine des soins, une formation continue ou un cours, par exemple sur les connaissances de base en gérontologie, sur la résolution des situations de conflit, sur les offres de décharge ou sur les intérêts juridiques, financiers et en matière d’assurances.
L’ASSASD va analyser les résultats de l’étude et mettre au point une stratégie avec ses membres. L’objectif est que les organisations locales d’aide et de soins à domicile puissent encore mieux adapter leurs prestations aux besoins et aux exigences des personnes nécessitant des soins et de leurs proches.