Les médecins redoutent encore plus de bureaucratie
Les médecins se distinguent par une forte identification à leur profession et par un enga-gement supérieur à la moyenne. C’est ce qu’a démontré une enquête réalisée par l’Institut de recherche gfs.bern auprès de médecins hospitaliers et de médecins en pra-tique ambulatoire. Les praticiens interrogés redoutent cependant une augmentation des tâches administratives et nourrissent certaines appréhensions à l’égard de l’introduction de SwissDRG.
Avec l’introduction nationale du système de forfaits par cas SwissDRG le 1er janvier 2012, c’est une nouvelle ère qui s’ouvre pour le système de santé de notre pays. Désormais, toutes les prestations hospitalières doivent être attribuées à un groupe de cas sur la base de critères médicaux bien définis, et facturées de manière forfaitaire. Quelles conséquences ce changement aura-t-il sur le quotidien des médecins? Souhaitant savoir comment ses membres vivent la situation sur le terrain avant et après l’introduction de SwissDRG, et détecter à temps les éventuelles distorsions du système, la Fédération des médecins suisses (FMH) a mandaté l’Institut de recherche gfs.bern pour réaliser une enquête à ce sujet.
Forte identification à la profession
Réalisée en été 2011 auprès de quelque 1200 médecins hospitaliers et 270 médecins en pratique ambulatoire, cette enquête a notamment permis de mettre en évidence la forte identification des médecins à leur profession. En effet, une nette majorité (84%) des médecins hospitaliers se déclarent satisfaits de leur activité et se distinguent par un engagement supérieur à la moyenne, malgré une charge de travail élevée. Cependant, les médecins ont l’impression que la forte identification à leur profession est de plus en plus compromise par des phénomènes qu’ils pourraient attribuer à SwissDRG. Outre une diminution de la liberté thérapeutique, ils craignent notamment qu’à l’avenir, la pression croissante sur les coûts nuise à la qualité élevée des soins telle qu’on la conçoit aujourd’hui, et qu’ils ne puissent plus traiter leurs patients de manière optimale.
La bureaucratisation de la profession est également un sujet d’inquiétude parmi les médecins. L’étude montre en effet que quel que soit le système tarifaire utilisé, la majorité des médecins interrogés déclarent avoir vu leur charge administrative augmenter. Les médecins-assistants sont les premiers concernés puisqu’ils passent déjà aujourd’hui presque autant de temps à documenter leurs prestations qu’à s’occuper des patients. Seul un quart des médecins interrogés estiment pouvoir se concentrer davantage sur des tâches médicales grâce à des processus efficaces mis en place dans leur hôpital. Il convient dès lors d’organiser les processus et l’infrastructure informatique des hôpitaux de façon à limiter la charge administrative, afin d’apaiser les craintes des médecins et leur permettre de se concentrer sur leurs tâches médicales.
Scepticisme quel que soit le niveau de connaissance
La majorité des médecins se montre actuellement sceptique à l’égard de l’introduction de SwissDRG, souligne l’étude. Mais ces réserves dépendent peu du niveau de connaissance du système: seul 1 médecin sur 5 connaît bien voire très bien la nouvelle structure tarifaire. On retrouve d’ailleurs ce scepticisme chez une petite majorité des personnes travaillant déjà avec un système de forfaits par cas. Et ce, bien qu’aucun effet négatif comme les «bloody exits» (renvois prématurés pour des motifs économiques) ne se soit pour l’instant manifesté.
Constatant que les médecins sont toujours plus confrontés à des questions d’ordre économique, la FMH les aide à y voir plus clair en mettant sur pied des présentations à l’intention des hôpitaux et des sociétés de discipline, en organisant des séminaires de formation continue et en publiant des articles à ce sujet dans les médias internes et externes. «Avec l’aide des sociétés de discipline et des hôpitaux, nous allons examiner de nouvelles mesures susceptibles d’améliorer les connaissances des médecins en matière de facturation», déclare le Dr Pierre-François Cuénoud, membre du Comité central de la FMH et responsable du domaine Swiss-DRG. Il faudra cependant attendre la deuxième enquête de l’Institut gfs.bern dans environ une année pour savoir si et dans quelle mesure les craintes des médecins à l’égard de SwissDRG (augmentation de la bureaucratie, diminution de la liberté thérapeutique) se vérifient. En attendant, il s’agit de prendre ces craintes au sérieux et d’y apporter les réponses nécessaires en collaboration avec la direction des différents hôpitaux.