La caisse unique pousse les coûts à la hausse
Pas de franchise à option, pas de modèle d’assurance maladie à choix, pas de réduction des primes pour les enfants et les adolescents : telles seraient les conséquences d’une caisse unique, selon un avis juridique établi par le professeur de droit Ueli Kieser et présenté ce jour. Les incitations à l’épargne s’effaceraient alors que les coûts augmenteraient davantage que ce n’est le cas actuellement, prévient Felix Schneuwly, expert en assurance maladie auprès du comparateur sur Internet comparis.ch. Car aujourd’hui, quatre Suisses sur cinq bénéficient de modèles incitant à opter pour un comportement économe.
Quelles seraient les conséquences pour la Suisse de l’acceptation de la caisse unique telle qu’elle est prévue dans le texte de l’initiative ? Ueli Kieser, professeur de droit des assurances sociales et de droit de la santé publique à l’Université de Saint-Gall, répond à cette question dans son expertise présentée aujourd’hui à Berne lors d’une conférence de presse.
Cette expertise a été établie sur demande d’Alliance Santé, un groupement de parlementaires et d’acteurs de la santé publique opposés à la caisse unique.
Le texte de l’initiative prévoit une prime unique pour tous les habitants d’un canton, cette prime devant couvrir l’ensemble des coûts. En d’autres termes : les personnes assurées ne pourraient plus choisir de franchise individuelle et donc économiser sur la prime. Opter pour un modèle d’assurance alternatif – avec une réduction de prime à la clé – s’avèrerait impossible. En outre, même les enfants et les adolescents n’auraient pas droit à une prime plus avantageuse.
Quatre Suisses sur cinq bénéficient d’une réduction des primes
Une analyse du comparateur sur Internet comparis.ch montre qu’actuellement quatre Suisses sur cinq bénéficient d’une réduction des primes parce qu’ils ont opté pour une franchise appropriée et/ou un modèle d’assurance maladie correspondant ou parce qu’ils ne payent qu’une prime réduite parce qu’ils sont mineurs. En outre, les statistiques de comparis.ch confirment que les modèles d’assurance maladie alternatifs ont connu un succès majeur au cours des dernières années : alors qu’en 2007 seuls 19 % des personnes assurées avaient opté pour un modèle alternatif, ce sont aujourd’hui plus de la moitié, à savoir 61 %.
«Les modèles d’assurance maladie alternatifs et les franchises à option répondent à un besoin des assurés. Ils contribuent à réduire les coûts des soins médicaux», rappelle Felix Schneuwly, expert en assurance maladie auprès de comparis.ch. En 2014, le modèle alternatif le plus plébiscité est le modèle médecin de famille qui concerne 37 % des assurés, alors que 12 % ont opté pour un modèle HMO et 12 % pour un modèle Telmed. Et 39 % ont choisi l’assurance de base selon le modèle standard, comme le montrent les statistiques de santésuisse, l’association faîtière de la branche de l’assurance maladie.
Plus aucune incitation à réduire les coûts
Au cours des dernières années, la politique a encouragé les modèles d’assurance alternatifs, dans le but de réduire les coûts. Supprimer ces modèles aurait des conséquences funestes, explique Schneuwly : «Jusqu’à présent, grâce précisément à ces instruments, les médecins, les assurés et les assureurs étaient encouragés à maintenir les coûts au plus bas, tout en permettant des modèles de soins médicaux efficaces et de qualité.» En effet, avec une franchise élevée, un assuré y réfléchira à deux fois avant de courir chez le médecin à la première gêne. Et les assurés qui ont contracté le modèle médecin de famille s’engagent à voir leur médecin traitant avant que celui-ci ne les redirige vers un médecin spécialisé bien plus onéreux.
Les modèles alternatifs réduisent les coûts
«Avec la prime cantonale unique, les assurés n’auraient plus aucune incitation à réduire les coûts. La caisse unique, telle qu’elle est prévue, et les médecins n’auraient plus aucun intérêt à proposer des modèles alternatifs, parce que plus personne ne les demanderait en raison de la prime unique appliquée dans le canton», poursuit Felix Schneuwly. Plusieurs études ont démontré que les modèles alternatifs économisent beaucoup d’argent. Ainsi, le modèle HMO permet une économie des coûts de 21 % par rapport au modèle de base, le modèle médecin de famille arrive à 16 % et le modèle Telmed à 4 % comme le prouve une publication datant de 2012.
En ce qui concerne la hausse des coûts, les analyses de l’expertise Kieser laissent prévoir un sombre pronostic : la prime cantonale de la caisse unique devrait couvrir les coûts. Mais en même temps, le texte de l’initiative ne prévoit pas, à en croire l’expertise, que la prime cantonale unique doive inciter à réduire les coûts. «Nul besoin d’être devin pour en prévoir les conséquences», dit Schneuwly. «Les coûts des soins médicaux augmenteraient rapidement.»